Forme et santé (partie 2)

La biologie de l’habitat et conception des formes

Dans la mesure où la biologie de l’habitat ne se propose pas seulement de tendre vers une architecture saine, mais de tendre vers une architecture globale, s’ouvrira pour les sens tout un champ de nouvelles façons d’observer. Outre l’utilisation de matériaux sains et la qualité du climat intérieur, la biologie de l’habitat doit également pouvoir stimuler un développement sain des sens. Ceci est particulièrement important pour les enfants qui vivent dans un environnement citadin. J’en ai compris toute l’importance lorsque j’ai visité, il y a quelques années, le Prisma-Hof à Nuremberg, conçu par Joachim Eble. J’y ai rencontré deux enfants faisant le détour par ce lieu en rentrant de l’école, arpentant le cours d’eau dans la serre, expérimentant l’eau, les pierres, les plantes et, par là, exerçant leur propre motricité et leurs quatre sens inférieurs (sens du toucher, sens vital, sens du mouvement et sens de l’équilibre. Voir 1ère partie, Cahier n°10, ndlr).

Une question supplémentaire se pose concernant les sens supérieurs (sens de l’écoute, sens de la parole, sens de la pensée, sens du Je. Voir 1ère partie, Cahier n°10, ndlr) : Comment la biologie de l’habitat peut-elle exprimer sa propre impulsion jusque dans la conception des formes ? Elle se démarque de tout ce qui contribue à la pollution de l’environnement et à la façon malsaine de construire qui sont le résultat de la pensée abstraite et mécaniste. La caractéristique de cette façon de penser est d’isoler les objets comme isolés de leur contexte, comme morcelés en différents éléments, et où l’interaction entre ces différents éléments est expliquée suivant les lois de la mécanique.

En revanche, la biologie de l’habitat et la construction écologique se proposent de développer une conscience du contexte de vie dans lequel est placé le bâtiment, et d’en tenir compte lors de la conception. Il s’agit, ici, aussi bien des relations à la nature que des relations à l’homme. Pour saisir ces rapports, doit se développer une autre façon de penser, une pensée qui tienne compte de ces rapports, qui les reconnaît et qui est capable de les intégrer dans une vision globale. Et puisqu’il s’agit ici de processus vivants, il faut également penser tout cela en évolution dans le temps. De ce fait on pourrait l’appeler une façon « vivante » de penser, qui tient compte de la « totalité » .

Si cette façon de penser est à la base de la biologie de l’habitat et de la construction écologique, se pose alors la question : comment cette façon de penser peut-elle se manifester dans la conception des formes ? Comment peuvent se manifester les liens entre l’homme et l’architecture, entre l’architecture et l’environnement, et par là devenir expérience ? Comment la pensée vivante et la conscience de ces liens peuvent-elles trouver leur expression dans la conception des formes ?