Forme et santé (partie 1)

La relation entre corps, âme et esprit

Cette conception émane d’une pensée propre aux temps modernes, celle d’une séparation entre le corps et la conscience. Le corps appartient à la réalité matérielle et objective; la vie intérieure, elle, se dérobant à la mesurabilité, est de ce fait considérée comme subjective. On se représente alors ces deux domaines comme fonctionnant indépendamment l’un de l’autre.

Il est finalement étonnant de constater avec quelle obstination cette conception se maintient, alors qu’aussi bien les expériences personnelles que les connaissances scientifiques des époques récentes indiquent tout autre chose. Chacun a expérimenté combien la vie change quand nous sommes fatigués ou malades; ou encore combien nous recouvrons soudainement une énergie nouvelle lorsqu’un mot gentil ou une bonne parole nous est adressé. La médecine, lorsqu’elle essaie de traiter les troubles psychiques avec des médicaments, part également de ce constat d’une relation étroite entre le psychisme et le corps. Dans ce sens, la salutogenèse a découvert comment des facteurs psychiques et spirituels, comme par exemple la motivation, peuvent fortement influencer les énergies et la santé corporelle. Tous ces faits indiquent qu’il existe plutôt une forte interaction qu’une séparation entre les facteurs corporels, psychiques et spirituels. Si cela s’avère vrai, alors la question de l’influence de l’architecture sur l’être humain se pose à nouveau. Serait-ce éventuellement par le pont des perceptions sensibles et des sentiments qu’elle agit sur nous ?

Il y a quelques années, j’ai pris en compte cette direction de travail alors que j’animais un atelier avec d’anciens dépendants de drogues, dans lequel il s’agissait d’imaginer la maison de ses rêves. L’un des participants avait imaginé une cabane en bois au Canada. Le lendemain en modelant sa maquette, il n’arrivait pas à façonner, comme il l’entendait, le toit en bâtière. Les deux côtés du toit étaient devenus creux et la gouttière était trop creuse (cf photo n° 1). Lorsque je passais à côté de lui, il criait : « Je suis hors de moi à cause de ce toit. » – en allemand l’expression est : « Je suis hors de ma petite maison …» (note du traducteur). – Et cela était littéralement vrai ! Je ne savais pas trop ce qu’il fallait faire du point de vue thérapeutique mais, au niveau architectural, cela n’était pas difficile. Je lui ai donc conseillé d’atténuer la gouttière en espérant que le toit en serait également amélioré. Pendant que je le lui montrais sur sa maquette, il se calmait petit à petit. Ce qui m’a le plus surpris, ce n’était pas seulement que sa difficulté de constitution était devenue visible, mais le fait que mon intervention, suggérant de fermer davantage le toit de la maquette, lui permit de se ressaisir !

Maquette en argile avec le toit en courbe d’un ancien dépendant de drogues
Photo 1 : Maquette en argile avec le toit en courbe d’un ancien dépendant de drogues Photo : Pieter Van der Ree